Les défis liés à la gestion de l’entretien, de l’exploitation et de la sécurité des tunnels routiers urbains à Montréal
7e Symposium international sur la sécurité et la sûreté en tunnel
Montréal, Québec – Canada (16-18 mars 2016)
À Montréal, environ 10 km d’artères urbaines passent par des tunnels comme le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, lequel traverse la voie maritime du Saint-Laurent, et le tunnel Ville-Marie, un échangeur souterrain qui traverse le cœur du centre-ville de Montréal. Ces ouvrages, construits dans les années 1960 et 1970, permettent aux usagers de la route de circuler de façon sécuritaire et confortable dans un environnement bien éclairé et surveillé en continu, à l’abri des rigueurs du climat.
Après une brève description historique de deux des plus importants tunnels routiers au Canada, le présent article expose les différentes questions à examiner relativement à la gestion de l’exploitation et de la sécurité, y compris les plans d’intervention en cas d’urgence, la formation et l’inspection. Il traite également des défis qui sont liés à l’entretien curatif et préventif à réaliser sur ces infrastructures.
Nous tenterons de démontrer que les concepteurs doivent s’appuyer sur l’expérience et tenir compte des conditions d’exploitation de l’ouvrage sur toute sa durée de vie utile. Ce type d’infrastructure nécessite un entretien à grande échelle réalisé dans un environnement exigeant et très restrictif quant aux possibilités d’interruption de la circulation.
Ainsi, les concepteurs de tunnels doivent exercer des choix judicieux en ce qui a trait à la géométrie, aux matériaux et aux équipements des tunnels, de manière à optimiser le rendement de l’infrastructure d’un point de vue structural, mécanique, fonctionnel et sécuritaire.
APERÇU HISTORIQUE
Le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine a été inauguré en mars 1967; c’est le plus vieux des deux ouvrages susmentionnés. Il s’agit d’une galerie de 1,8 km qui passe sous le fleuve Saint-Laurent et est constituée de sept caissons préfabriqués en béton précontraint ayant été construits en cale sèche puis remorqués, submergés à 24 m de profondeur et assemblés sous le lit du fleuve dans une tranchée puis enfin recouverts d’un enrochement de 1,80 m (figure 1a). Le tunnel comporte deux tubes de circulation comptant trois voies chacun, séparés par un tube de service utilisé aux fins des services et du sauvetage.
Le complexe des tunnels Ville-Marie et Viger est un ouvrage plus récent. Sa structure de béton a été construite dans une tranchée creusée dans le lit d’un ancien cours d’eau qu’on a recouvert par la suite (figure 1b). Ce complexe est entré en exploitation graduellement au fil de plusieurs phases de construction : le tunnel Ville-Marie a été inauguré en 1974, le tunnel Viger, en 1986, puis, en 2002 et en 2003, ont été érigés trois bâtiments qui abritent le Quartier international de Montréal. Le complexe forme maintenant un échangeur autoroutier souterrain totalisant 6,8 km de tubes de circulation dont le nombre de voies varie de 1 à 5, ainsi que plusieurs kilomètres de corridors d’évacuation qui entrecroisent le Montréal souterrain. On prévoit de recouvrir d’ici 2017 d’autres sections de la route abaissée entre Ville-Marie et Viger.
Figure 1 – Chantiers des tunnels L.-H.-La Fontaine et Ville-Marie | |
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Il ne fait pas de doute que les tunnels Ville-Marie et Louis-Hippolyte-La Fontaine sont des composantes essentielles du réseau routier métropolitain de Montréal qui assurent jour après jour la mobilité de centaines de milliers d’automobilistes. Des infrastructures de cette échelle exigent des efforts constants afin de garantir la sécurité des usagers par une exploitation et un entretien périodique efficients.
En plus d’être des infrastructures routières composées d’une chaussée de bitume, d’éléments structuraux et de drainage, les tunnels sont des installations complexes comportant des centaines de systèmes et de sous-systèmes qui doivent rester fonctionnels parfois dans des conditions météorologiques extrêmes. C’est le cas notamment des systèmes mécaniques et hydrauliques (ventilateurs, volets motorisés, pompes, vannes motorisées, compresseurs, ascenseurs, palans, treuils, etc.), des systèmes électriques et électroniques (disjoncteurs, sectionneurs, câbles, génératrices, batteries de secours, pompes, transformateurs, automates, etc.), des systèmes d’éclairage et de signalisation dynamique (feux de circulation, panneaux à messages variables, panneaux lumineux), des systèmes de chauffage et de climatisation (câbles chauffants, serpentins, calorifères, thermostats), ainsi que des systèmes de surveillance et de sécurité (caméras, protection incendie, détecteurs de gaz, téléphones).
GESTION DE LA SÉCURITÉ
Deux centres de contrôle avec du personnel 24 heures par jour et 7 jours par semaine assurent une surveillance en continu de la circulation dans les tunnels. Des systèmes de surveillance et de contrôle permettent de détecter les incidents, de télécommander les divers systèmes électromécaniques, comme la ventilation, le pompage, l’éclairage et l’alimentation électrique, d’activer et d’exécuter des procédures d’urgence en cas d’incident.
En général, le personnel d’exploitation et les contrôleurs de circulation reçoivent une formation de cinq jours avant d’être admis au poste de commande d’un tunnel où ils sont encadrés par le chef d’équipe d’un groupe comportant jusqu’à six contrôleurs. Au cours du premier mois, les nouveaux contrôleurs sont affectés à des opérations de surveillance autoroutière et de gestion de la circulation (hors des tunnels), leur permettant de se familiariser avec les outils, les logiciels et autre matériel à leur disposition dans le centre de contrôle.
Les manuels de référence, les plans d’urgence et les procédures d’intervention, y compris les scénarios de ventilation, sont mis à jour régulièrement. La formation de base est axée sur la structure organisationnelle, le réseau routier, l’équipement technique de chaque installation, les systèmes de contrôle, les procédures d’exploitation normale ainsi que les procédures en situation d’urgence. Les compétences de base sont la réception des appels téléphoniques, les commandes au clavier et l’utilisation d’un ordinateur.
Tous les contrôleurs de circulation reçoivent ensuite une formation théorique sur les notions de base en sécurité incendie dans les tunnels qu’ils doivent suivre à nouveau une fois par année afin de maintenir leurs connaissances à jour. De plus, ils sont tenus de participer à des séances de débreffage à la suite d’incidents dont ils ont été témoins dans leur quart de travail ou pour lesquels ils ont eu à intervenir. Le personnel d’entretien et les autres intervenants et premiers répondants (pompiers, service de police, etc.) sont également invités à prendre part à ces séances. Habituellement, le débreffage à chaud est réservé aux intervenants internes alors qu’est organisée une deuxième séance de débreffage à froid avec des organismes participants externes.
Le ministère des Transports du Québec participe au développement du matériel de formation théorique sur la sécurité incendie et la dynamique du feu en tunnel routier. Ce contenu a été élaboré et inclus dans le programme de plusieurs écoles de pompiers de Montréal et de Québec. Le Ministère permet aussi aux élèves désirant visiter les tunnels de prendre part à des exercices d’incendie. Le contenu du cours couvre le comportement de la fumée dans les tunnels, la façon dont la ventilation mécanique contrôle la propagation de la fumée, la description de la vitesse critique, la raison pour laquelle celle-ci est importante dans les tunnels à ventilation longitudinale et enfin les principes fondamentaux des différents types de systèmes de ventilation disponibles pour les tunnels. La formation pratique comprend une participation à une simulation d’incendie en tunnel ou encore à des exercices d’intervention dirigés en milieu souterrain dans un centre de formation spécialisé.
Les simulations d’incendie en tunnel sont très importantes pour la formation des intervenants mais aussi pour valider les scénarios de désenfumage en tunnel. Ces exercices (figure 2) ont permis au Ministère de mettre au point un système de ventilation intelligent qui permet de déclencher automatiquement un scénario de ventilation préétabli et validé sur un feu de 3 à 5 MW en tunnel (équivalent d’un véhicule en feu). L’objectif est de mieux protéger les usagers des tunnels en automatisant les procédures que devait autrefois exécuter manuellement le contrôleur, particulièrement pour la mise en marche initiale des ventilateurs en début d’incendie.
Figure 2 – Essais de réaction au feu dans les tunnels Ville-Marie (à gauche) et Viger (à droite). | |
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Parmi les autres améliorations récentes, notons l’équilibrage des registres de ventilation dans le tunnel L.-H.-La Fontaine et l’amélioration de la signalisation au parcours d’évacuation en ce qui a trait à la mise en œuvre de la stratégie de ventilation.
Outre le risque d’incendie, qui est omniprésent dans tout tunnel autoroutier, la gestion de la sécurité d’exploitation d’un tunnel implique des inspections visuelles en continu et des essais périodiques de fonctionnement des divers équipements. Les inspections visuelles sont programmées et réalisées par le personnel d’entretien afin de détecter toute anomalie et de garantir une connaissance continue de l’état de tous les systèmes, et de permettre la planification d’interventions préventives ou correctives bien ciblées. Certains essais de fonctionnement sont programmés et réalisés par le personnel du centre de contrôle et incluent les systèmes de ventilation (ventilateurs, registres, etc.), les stations de pompage (incendie et pompes d’épuisement, etc.), la signalisation dynamique (panneaux à messages variables, feux d’affectation des voies, etc.) et les systèmes de redondance (panne d’alimentation, etc.).
TRAVAUX DE RÉPARATION ET D’ENTRETIEN
Pour chaque tunnel, un centre d’entretien est aménagé sur place. Des équipes d’entretien représentant divers corps de métier assurent les opérations courantes d’entretien et de maintenance. On trouve sur place un atelier mécanique et divers véhicules spécialisés comme des camions à plateforme hydraulique et des camions-brosses mécaniques. L’exécution de certaines tâches requiert la présence d’effectifs hautement spécialisés dans des domaines tels que l’électricité, la mécanique et l’automatisation informatique.
Au Québec, il est d’usage de faire référence à deux types d’entretien des routes : l’entretien d’été et l’entretien d’hiver. Outre cette séparation saisonnière, dans le premier cas, on fait référence à l’entretien courant et périodique de type préventif alors que, dans le deuxième cas, on fait référence à toutes les activités de viabilité hivernale.
Entretien courant d’été
Dans les tunnels, l’entretien courant, dit d’été, est réalisé toute l’année. Ces travaux sont de nature cyclique et répétitive. L’objet de ce programme d’entretien préventif est de garantir la sécurité des usagers en maintenant les tunnels et leurs systèmes à leur niveau de fonctionnalité prévu et en conformité avec les normes de conception. Les diverses activités incluent le nettoyage des murs, des dispositifs de signalisation, des lampadaires, des caniveaux, des caméras et le remplacement de pièces ou de composants défectueux ou usés (lampes, filtres, autres articles de quincaillerie), le remplacement des liquides (pour les moteurs électriques, les pompes, les ventilateurs), le graissage et le serrage des raccords (de moteurs électriques, de louvres, d’évents, etc.) et le calibrage des capteurs et des niveaux d’alarme (détection, sondes, etc.). Bien qu’il soit principalement de nature préventive, l’entretien courant peut aussi inclure un volet curatif, dont des réparations mineures ou des remplacements d’équipement.
Le nettoyage des murs du tunnel, de l’équipement de sécurité et des enseignes peut se faire à tout moment dans l’année à condition que la température soit au-dessus du point de congélation. Un véhicule spécialement conçu à cet effet et doté d’une brosse ainsi que deux véhicules rinceurs effectuent ces travaux de nettoyage habituellement en été. Parfois, en hiver, lorsqu’il y a un redoux, les murs, les enseignes et les appareils de signalisation sont rincés manuellement au jet d’eau.
L’entretien du système d’éclairage, vital pour le tunnel, fait l’objet d’une attention particulière. Les lampes fluorescentes aux entrées du tunnel sont remplacées tous les deux ans et les autres appareils d’éclairage, tous les trois ans. Un camion pourvu d’une plateforme hydraulique est utilisé pour l’exécution de ces travaux.
Les travaux d’entretien sur les accotements sont semblables à ceux qui sont requis sur toute autoroute urbaine à ciel ouvert. Les caniveaux sont vérifiés régulièrement et les bassins de retenue sont nettoyés tous les trois mois. On nettoie les drains à l’automne au jet d’eau.
Des entreprises spécialisées se chargent de l’entretien de l’équipement plus spécialisé comme les groupes électrogènes, les ascenseurs, les sous-stations électriques, les stations de pompage, les appareils de ventilation, les caméras, les détecteurs de gaz et les unités de secours.
Entretien d’hiver
Le but principal de l’entretien d’hiver dans les tunnels est de rétablir le niveau de sécurité optimal des voies et des rampes d’accès à la suite d’une tempête de neige, de pluies verglaçantes ou de températures extrêmement basses causant une perte d’adhérence des pneus sur la chaussée. Toute entrave à la circulation impose des contraintes significatives aux usagers. Toutefois, le caractère urgent de ces interventions justifie qu’elles soient réalisées sans délai.
La surveillance des conditions météorologiques permet de déclencher à temps les opérations de déneigement et de déglaçage des voies. Des critères de performance imposent aux équipes de déneigement un couvert maximal de 5 à 7 cm de neige, à tout moment et pendant toute la durée des précipitations. Une fois la chute de neige passée, les voies de circulation doivent être complètement dégagées dans un délai de trois à cinq heures. Les entrées et les sorties des tunnels constituent des endroits critiques qui exigent une attention particulière. En effet, lors de chutes de neige importantes, ces zones sont particulièrement accidentogènes en raison de la visibilité, de la pente et de l’adhérence de la surface de roulement qui changent brusquement entre l’intérieur et l’extérieur du tunnel. Ces endroits font donc l’objet d’un effort particulier en ce qui a trait au déneigement et à l’épandage de sel. L’utilisation d’abrasifs comme le sable n’est plus tolérée dans les tunnels. L’expérience démontre qu’à la longue le sable finit par bloquer le système de drainage, diminue la visibilité en tunnel et affecte les caméras de surveillance par l’encrassement.
Comme les accès aux tunnels ne disposent pas d’espace pour contenir l’accumulation nivale aux portails, le ramassage de la neige accumulée aux entrées est indispensable. L’enlèvement et le transport de la neige aux portails sont des opérations réalisées de nuit, après la tempête, et exigent la fermeture brève mais complète des tunnels, ce qui permet de minimiser les entraves à la circulation dans la région métropolitaine le jour suivant. Dans cette optique, il serait judicieux de planifier, dès le stade de la conception, l’aménagement d’un espace aux entrées des tunnels des régions plus nordiques pour que les chasse-neige puissent rouvrir les voies et entasser la neige sans qu’elle gêne la circulation.
Défis liés aux travaux de réparation
L’entretien des tunnels pose de nombreux défis découlant de la complexité des installations mécaniques et électriques et du climat hivernal rigoureux de Montréal. Plus particulièrement, les problématiques les plus souvent rencontrées sont la corrosion, l’infiltration d’eau et le blocage des équipements par les débris et la saleté. D’autres difficultés sont liées au design initial et à la géométrie des voies. La section suivante aborde les défis majeurs rencontrés et les solutions mises en œuvre pour les surmonter, ainsi que les recommandations destinées aux futurs concepteurs de tunnels.
Interruption de la circulation
Les entraves à la circulation, requises pour réaliser les travaux d’entretien et de réparation, nuisent inévitablement à la mobilité de la circulation dans la région métropolitaine et constituent une source de mécontentement des usagers. Afin de minimiser ces inconvénients, les travaux sont habituellement programmés pour exécution de nuit, soit durant les heures de faible achalandage, sauf si la sécurité des usagers s’en trouve compromise. De plus, compte tenu des contraintes de visibilité dans les tunnels, d’une part, et de l’interdiction des changements de voies, d’autre part, les travaux ne peuvent être réalisés qu’en fermant complètement une voie ou un tube à la circulation. Dans le tunnel Louis-H.-La Fontaine, la plupart des interventions sont réalisées en entraves partielles mais, dans le tunnel Ville-Marie, la configuration des voies et la complexité du tunnel requièrent des entraves complètes plus fréquentes.
Système de ventilation
Lors de la conception du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, un accès aux ventilateurs pour en faciliter l’entretien et la réparation n’a pas été prévu. Des portes d’accès ont été ajoutées, mais les travailleurs doivent toujours être suspendus à des câbles pour pouvoir accéder aux moteurs électriques ou pour l’inspection structurale des tours de ventilation. Les pièces des ventilateurs ont toutefois très bien résisté à la rouille et aux débris grâce aux protections auto-refroidissantes qui enveloppent les freins dynamiques.
Dans le tunnel Ville-Marie, certains problèmes ont été rencontrés avec les volets des ventilateurs qui se trouvaient souvent obstrués par des débris et endommagés par la rouille. De plus, les moteurs qui contrôlent ces volets ne sont pas protégés par un coffrage métallique, comme c’est le cas dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. Cela augmente leur vulnérabilité, surtout en ce qui concerne les freins à contrôle manuel. Six ventilateurs ont dû être remplacés pour résoudre le problème des volets.
Pour le tunnel Viger, qui a été construit plus tard, des exigences plus strictes ont été formulées. D’une part, les volets des ventilateurs ont dû être montés sur un système de roulement à billes. Toutes les pièces de métal doivent désormais être traitées pour résister au sel, les moteurs des ventilateurs et les freins manuels doivent être protégés par un coffrage métallique et munis de leur propre système d’aération. Enfin, l’accès à tous les ventilateurs du tunnel Viger est grandement facilité par une conception qui permet d’effectuer facilement les travaux d’entretien.
Infiltrations d’eau par certains joints
Les contraintes thermiques combinées à une pression hydraulique imposante entraînent des infiltrations d’eau et la formation de glaçons autour de certains joints de construction et au niveau des tours de ventilation, qui sont des lieux propices à la condensation. Dès les premières années d’exploitation, des efforts ont été déployés pour contrer ces infiltrations.
Dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, moins d’une année après sa mise en service, une lettre des concepteurs faisait état d’infiltrations d’eau aux joints perpendiculaires à l’axe du tunnel, particulièrement aux deux derniers joints spéciaux. Ces joints ont été bétonnés au printemps plutôt qu’en hiver, ce qui a entraîné une modification dans les conditions de contraintes dans le tunnel et généré une tension dans les joints pendant les périodes froides de l’hiver. À l’origine, ces joints ont été calculés pour permettre un certain mouvement sans pour cela amener des infiltrations d’eau. Afin de parer à ces infiltrations d’eau, des interventions d’injection avec une matière chimique qui gonfle au contact de l’eau sont réalisées, alors que le joint est sous tension maximale, c’est-à-dire au cours de l’hiver. On a observé des résultats encourageants, soit une nette diminution des infiltrations autour des joints. Les eaux de ruissellement sont drainées dans des dalots chauffés par un câblage électrique afin d’empêcher l’accumulation de glace et la formation de glaçons. Bien qu’ils demeurent, ces problèmes ont été considérablement réduits.
Dans le tunnel Ville-Marie, des problèmes similaires sont rencontrés. La moindre imperfection dans le béton permet un suintement et de légères infiltrations. Dans les premières années après la mise en service, plusieurs interventions d’injection au coulis de ciment, puis au polyuréthane, ont été réalisées. Ces méthodes d’injection n’ont donné que des résultats partiels et temporaires. C’est ainsi qu’une autre solution a été testée : plutôt que d’empêcher l’eau de s’infiltrer, on a préféré la recueillir et la diriger vers le système de drainage. Bien que les systèmes de drainage des tunnels aient été conçus pour capter les eaux de ruissellement et d’infiltration, le vieillissement de la structure et l’obstruction de certaines conduites par la glace et les dépôts limitent leur capacité. Des techniques d’alésage, de nettoyage et de réparation des raccordements sous les chasse-roues, associées à l’entretien annuel, à l’aide de camions avec lances à pression donnent des résultats encourageants.
Alimentation en électricité
Pour assurer la redondance de l’alimentation électrique, des génératrices imposantes sont prévues dans chaque tunnel. Les tunnels Ville-Marie et Viger sont dotés de quatre génératrices de 800 kW, et le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, de quatre génératrices de 400 kW et d’une nouvelle génératrice de 1 200 kW. Un convertisseur statique a été installé dans le tunnel L.-H.-La Fontaine pour fournir l’alimentation électrique jusqu’à ce que les génératrices puissent fonctionner à plein rendement en cas de panne de réseau. Le convertisseur statique, lequel était utilisé pour la première fois au Québec, exigeait un entretien considérable, et des pièces de rechange n’étaient pas disponibles. Cet appareil a souvent eu des défaillances et a été abandonné. On utilise aujourd’hui des batteries de secours avec redresseur, comme c’est le cas dans les tunnels Ville-Marie et Viger. Ce système plus fiable alimente à peu près le sixième de la capacité normale des systèmes d’éclairage et de l’équipement essentiel de contrôle.
Équipement d’urgence
Les équipements d’urgence installés à l’origine, comme les portes de secours et les cabinets d’incendie, ont connu beaucoup de problèmes de rouille. Malgré l’utilisation d’acier inoxydable, certaines pièces étaient conçues en acier ordinaire et étaient attaquées par la rouille. Le matériel a été remplacé graduellement par du matériel en acier inoxydable.
Les tunnels sont équipés d’armoires d’incendie chauffées avec extincteur, boyaux et prises d’eau. Dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, l’accès aux armoires est possible du côté des voies de circulation et du côté des sorties de secours. Cela n’est pas le cas du tunnel Ville-Marie compte tenu de la complexité géométrique des voies. Les armoires ne sont donc accessibles que du côté des voies de circulation, ce qui complique les opérations d’entretien.
Dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, des téléphones de secours sont installés dans les armoires d’incendie. Dans les tunnels Ville-Marie et Viger, ils sont dans un compartiment indépendant du côté des voies de circulation.
En raison de la proximité du système de chauffage des boyaux d’incendie dans les armoires, certains boyaux brûlés devenaient inutilisables. De plus, des boyaux de néoprène armés, reconnus pour leur résistance au froid, sont désormais utilisés dans les deux tunnels.
Équipement de surveillance automatique
Les deux tunnels sont équipés d’un système de surveillance du taux de monoxyde de carbone afin de contrôler la qualité de l’air. Un échantillonneur de type Hopcalite était installé initialement dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. Toutefois, ce système exigeait beaucoup d’entretien et était difficile à calibrer. De plus, les pompes utilisées pour les prélèvements d’air, initialement placées à l’intérieur des compartiments, ont eu tendance à surchauffer. Il était donc nécessaire de les placer en dehors des compartiments. Une fois de plus, l’entretien et le suivi étaient difficiles. Ce système de surveillance de monoxyde de carbone a été rapidement abandonné et remplacé par un système infrarouge semblable à celui du tunnel de Ville-Marie, qui est plus simple et donne des lectures plus précises.
CONCLUSION
Le présent article utilise le cas des tunnels Ville-Marie et Louis-Hippolyte-La Fontaine pour décrire la complexité de l’exploitation d’un tunnel routier. Dans la première partie, nous nous sommes penchés sur la gestion de la sécurité, y compris les plans d’urgence, la formation des intervenants et les inspections de sécurité. Dans la seconde partie, un survol des différentes opérations d’entretien et de réparation a été effectué. Enfin, des recommandations, découlant de 45 ans d’expérience en entretien de tunnels au Québec, ont été présentées.
L’expérience révèle qu’une part substantielle des coûts et des difficultés liés à l’entretien découle de décisions prises au cours des phases de conception et de construction d’un tunnel. Malheureusement, peu de concepteurs disposent d’une expérience en entretien. L’importance de prendre en compte les exigences liées à l’exploitation et à l’entretien d’un tunnel routier au moment de la conception est primordiale. Le vieillissement de ce type d’infrastructure exige souvent des efforts d’entretien imposants et croissants.
Une conception qui ne prend pas en charge efficacement les infiltrations d’eau non seulement cause des risques pour la sécurité routière (flaques d’eau, plaques de glace ou glaçons), mais elle nuit significativement à la pérennité de la structure, des équipements et de leurs supports. Cela est d’autant plus critique pour une structure implantée dans un sol plus ou moins bien drainé et exploitée sous un climat où les cycles de gel-dégel sont très fréquents.
Afin de parvenir à des résultats optimaux, il est important de faire intervenir un personnel d’entretien d’expérience au cours du processus de planification et de conception. Dans certains cas, il ne faut pas hésiter à consulter des exploitants d’autres tunnels pour tirer profit de leur expérience. Cela permettra le choix de la meilleure option d’intervention à long terme, basée sur le cycle de vie de l’infrastructure. Ainsi, il devient possible d’optimiser le rendement de l’infrastructure, d’un point de vue structural, mécanique, fonctionnel et sécuritaire, tout en respectant sa géométrie, ses matériaux et ses équipements.