Faisons-nous de la véritable « viabilité hivernale » au Québec?
Les termes viabilité hivernale sont depuis quelques années très populaires au Québec. Nous les entendons dans tous les colloques et conventions traitant d’entretien hivernal ainsi que dans les magazines d’intérêt. Trop souvent, cette appellation est utilisée comme synonyme d’entretien hivernal ou de déneigement. Malheureusement, on oublie alors d’y inclure d’autres éléments essentiels pour vraiment pouvoir parler de viabilité hivernale.
Définition de la viabilité hivernale
Nous avons tous notre propre idée de ce qu’est la viabilité hivernale. En général, les gens parlent de viabilité hivernale en pensant aux méthodes, aux moyens et aux opérations visant le maintien ou le rétablissement d’une circulation sécuritaire des usagers sur les réseaux routiers durant l’hiver. Selon l’Office de la langue française, viabilité hivernale se définit comme étant l’état des conditions de la circulation routière résultant de l’ensemble des actions techniques mises en œuvre et des dispositions prises tant par les autorités que par les automobilistes, afin d’assurer la sécurité sur les routes en hiver. Cette dernière définition est selon nous la plus complète et celle décrivant ce qu’est la véritable viabilité hivernale, car elle inclut un effort commun et un partage des responsabilités. En effet, la viabilité hivernale signifie « vivre avec l’hiver » et elle interpelle tous les acteurs ayant à vivre avec l’hiver.
L’expression viabilité hivernale redonne à chaque acteur son lot de responsabilités afin de vivre l’hiver dans la meilleure harmonie possible. Il est vrai que les services publics ont des responsabilités en ce qui a trait à la sécurité des usagers et à la fluidité de la circulation. Mais cette responsabilité est et doit être partagée entre les usagers de la route et les services publics. La figure 1 illustre les interrelations entre tous les acteurs impliqués en matière de viabilité hivernale. Nous allons passer en revue les rôles et les responsabilités de ces acteurs.
Les services d’entretien des réseaux routiers
Tout d’abord, parlons des responsabilités des services d’entretien des réseaux routiers. Ils ont la responsabilité de maintenir des conditions de circulation minimales durant les phénomènes hivernaux. L’accent sera alors mis sur le maintien d’un certain niveau de sécurité, c’est-à-dire sur le maintien d’une adhérence optimale pour les pneus des véhicules en fonction du phénomène. Un bon niveau de sécurité reste alors un juste compromis entre les efforts des services d’entretien routier, d’une part, et l’attitude préventive des usagers de la route (anticipation, adaptation du comportement, etc.) concernant les dangers auxquels ils seront confrontés, d’autre part. À la suite du phénomène, les services d’entretien routier ont la responsabilité de rétablir de meilleures conditions de circulation, et cela, dans un délai acceptable.
Il est donc essentiel de bien définir les attentes relatives aux différentes situations hivernales possibles, si nous voulons employer un langage commun entre tous les acteurs, c’est-à-dire celui des niveaux de service. La définition des niveaux de service ne peut être laissée seulement aux services d’entretien des réseaux routiers, car ces derniers ont besoin des ressources matérielles et financières requises pour les livrer. La contribution et l’implication des autorités gouvernementales (par le biais de ses élus) sont donc primordiales si nous voulons assurer cette adéquation.
Responsabilités des autorités gouvernementales (élus)
Les autorités gouvernementales ont comme première responsabilité d’assurer l’adéquation entre les budgets et les ressources requises à l’atteinte des niveaux de service établis. De plus, la mise en place de lois et de règlements favorisant la viabilité hivernale relève des autorités gouvernementales. Un bel exemple est l’article 440.1 du Code de la sécurité routière obligeant tous les usagers de la route à munir leur véhicule de pneus d’hiver en saison hivernale. Enfin, les autorités gouvernementales doivent gérer les attentes des citoyens en expliquant bien les limites des moyens des services d’entretien routier et en invitant les usagers de la route à s’adapter aux conditions hivernales.
Le gouvernement du Québec fait d’ailleurs des campagnes périodiques invitant les usagers à une plus grande prudence en hiver. Du côté municipal, la Ville de Sherbrooke offre un autre exemple de campagne de sensibilisation des usagers de la route au moyen d’oriflammes déployées sur tout le territoire. Voici quelques exemples de messages destinés aux usagers.
Responsabilités des usagers de la route
Le troisième acteur de la viabilité hivernale, soit l’usager de la route, a également des responsabilités, même au sens juridique. Depuis l’hiver dernier, tous les usagers de la route doivent munir leurs véhicules de pneus d’hiver conformes (article 440.1 du code). De plus, les articles 330 et 335 du Code de la sécurité routière imposent des responsabilités aux conducteurs : l’article 330 exige que « Le conducteur d’un véhicule routier doit réduire la vitesse de son véhicule lorsque les conditions de visibilité sont rendues insuffisantes à cause de l’obscurité, du brouillard, de la pluie ou d’autres précipitations ou lorsque la chaussée est glissante ou n’est pas entièrement dégagée. »: l’article 335 exige de son côté que « Le conducteur d’un véhicule routier qui en suit un autre doit le faire à une distance prudente et raisonnable en tenant compte de la vitesse, de la densité de la circulation, des conditions atmosphériques et de l’état de la chaussée. » Bref, l’usager a la responsabilité d’adapter sa conduite aux conditions de la route surtout en hiver.
L’usager de la route doit également se tenir informé de l’évolution des phénomènes et des conditions de circulation. Il pourra alors mieux planifier ses déplacements et ses itinéraires. Il a également la responsabilité d’évaluer la nécessité de sortir et de circuler sur le réseau routier lors de phénomène majeur, étant le premier responsable de sa sécurité.
Une responsabilité partagée
La réussite de la viabilité hivernale ne repose donc pas uniquement sur les épaules des services d’entretien routier. Comme nous l’avons vu, la viabilité hivernale ne sera réussie que lorsque tous les acteurs y contribueront activement. Pour y parvenir, la communication est la première clé. Ainsi, les usagers de la route doivent bien connaître les niveaux de service pouvant être fournis par les services d’entretien selon les différentes conditions hivernales. Les autorités doivent quant à elles bien définir et communiquer les conditions de circulation auxquelles les usagers doivent s’attendre lors des différentes situations hivernales et des délais pour revenir à des conditions plus acceptables à la suite des intempéries.
Un défi de taille!
Le défi de l’heure est de changer les habitudes et les mentalités. Nous parlons ici d’un grand nombre de Québécois qui s’attendent à avoir des conditions de circulation estivales douze mois par année. Il est grand temps d’accepter la réalité : l’hiver québécois est froid, neigeux, quelquefois verglaçant et de plus en plus pluvieux. L’hiver fait partie intégrante du paysage québécois. Choisir de vivre au Québec, c’est accepter la réalité hivernale. Malgré tous les efforts des services d’entretien des réseaux routiers, la présence de neige et de glace sur nos chaussées perturbera sans contredit nos déplacements. Acceptons collectivement cette réalité, prenons tout un chacun les responsabilités qui nous reviennent et vivons ensemble une véritable viabilité hivernale.